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meunier

Posté le 04.07.2021 19:48
Bonjour,
Je souhaite trouver des détails sur les conditions de vie d'autrefois des meuniers dans le val d'Anniviers. Pourriez-vous m'indiquer des sources? Merci et bonne journée

Bonjour,

On ne peut imaginer un village « typique » sans moulin. Le moulin relève d’une technologie pré-industrielle où l’énergie naturelle de l’eau transmet la force à une mécanique sans mystère. Celle-ci est actionnée par le meunier qui fait indissociablement partie de toute vie villageoise.

Dans le volume 112 du Romanica Helvetica, « Le val d’Anniviers, vie traditionnelle et culture matérielle basées sur le patois de Saint-Luc », par Willy Gyr, remanié et édité par Rose-Claire Schüle ; Francke Verlag, Basel und Tübingen, 1994, l’auteur décrit ainsi la vie des meuniers : « Dans le Val d’Anniviers, comme ailleurs en Valais, chaque village possède un ou plusieurs moulins où ses habitants viennent, à tour de rôle, moudre leur blé, seigle, voire même un peu de maïs. Les Anniviards se méfient des meuniers de la plaine, ils préfèrent les moulins primitifs de leur hameau parce que là, ils sont sûrs d’avoir la farine du grain qu’ils ont apporté. Les moulins appartiennent habituellement aux bourgeoisies qui surveillent leur fonctionnement. Presque partout, le travail est effectué par un meunier ou, exceptionnellement, par une meunière. A Chandolin, où les deux moulins sont la propriété de consortages, chaque paysan moud son grain lui-même, ce qui amène maints désavantages.

La charge de meunier est une place peu convoitée. A Ayer, il n’y a pas eu de meunier pendant plusieurs années. Le meunier ne percevait pas de salaire, mais il était obligé de faire marcher le moulin chaque fois qu’on lui en faisait la demande. D’autres communes plus généreuses offrent des conditions plus intéressantes : à Saint-Luc, le meunier touche un traitement de 400 frs par an, et il a droit, en plus, à une mesure de 1,5 litre de farine par 15 litres de grain, mais la moitié en revient à la bourgeoisie pour couvrir les frais d’administration. Le poste se met  à l’enchère et le prétendant doit promettre de le remplir pendant 5 ans. Pour faciliter son travail, le meunier réduit son activité à trois périodes par an dont la durée est affichée sur la place publique. Les périodes sont fixées à 15 jours dans la première moitié du mois de juin, 15 jours dans la seconde moitié du mois d’octobre et 20 jours au mois de janvier. Le meunier n’est pas obligé de moudre en dehors de ces périodes.
A St-Luc, les  moulins proprement dits comprennent 4 bâtiments, dont deux pour les moulins à blé, un pour le moulin à maïs et une habitation temporaire pour le meunier. Cette dernière qui date de 1793, n’a qu’une cuisine avec un âtre et une chambre avec un lit, un grand bahut et un tout vieux poêle en pierre ollaire. Il y a aussi une cave. Le bahut pour le grain revenant au meunier est divisé en quatre compartiments dont deux sont réservés au seigle. Les deux autres au froment et au maïs. A la cuisine se trouve une vieille marmite de 50 cm de diamètre, dans laquelle on chauffait autrefois l’eau pour fouler le drap au foulon […] C’est dans cette maison que le meunier passe la nuit durant les périodes de travail au moulin. […].

A Chandolin, il y a deux moulins qui appartiennent à deux consortages différents. Comme « celui d’en haut » fonctionne moins bien, […] tous les autres habitants du village vont faire moudre dans « le moulin d’en bas ». Ce n’est qu’en épousant la fille d’un propriétaire du moulin d’un bas qu’un « actionnaire » du moulin d’en haut acquiert le droit d’aller avec son grain au moulin d’en bas. Il doit alors faire face aux obligations inhérentes à ce privilège. Les moulins sont entretenus et réparés en commun selon entente entre les propriétaires. En 1947, par exemple, les frais de réparations s’élevèrent à 25 frs par consort. Comme il n’y a pas de meunier attitré, il y a beaucoup de dégâts. Notons encore qu’à Chandolin, on a coutume d’ajouter toujours un peu de fèves au grain à moudre, car on dit qu’alors le moulin fonctionne bien mieux. »

Si vous êtes intéressé par les moulins, cet ouvrage comporte également tout un chapitre sur l’installation du moulin et sur les différents types de moulins.

Vous trouverez également un chapitre sur les différents types de roues dans la publication d’André Pont « Villages d’antan, Saint-Luc, il y a un demi-siècle », deuxième édition, mars 1987, Sierre. Il y décrit ainsi l’habitat du meunier : «  La maison du meunier comprend une cuisine construite en pierre avec l’âtre, une crémaillère, un chaudron et quelques ustensiles. Le plus fréquemment, les repas du meunier étaient préparés au village et apportés, soit par un membre de sa famille, sot par un habitant livrant son grain. La chambre contiguë séduit par sa sobriété et sa petitesse ; un lit recouvert d’une paillasse, au-dessus de laquelle un orifice permettait au meunier de chasser le renard ou le chevreuil en toute tranquillité  [..]. En face de la couche, quatre arches de bois servaient à conserver le grain prélevé pour son salaire et la part revenant à la Bourgeoisie. […] Sur les parois, de vieilles images pieuses noircies racontent la vie du Christ et des Saints. Près de l’entrée, trône un massif « pierre ollaire »[…] Pour importante que fut sa fonction, le meunier désigné lors de l’enchère bourgeoisiale traditionnellement fixée le jour de la Saint-Antoine en janvier n’a jamais été discuté par la communauté. Il fallait une personne consciencieuse et compétente : un travail négligé aurait provoqué des désagréments au village tout entier, puisqu’il s’agissait de fabriquer du pain à conserver plusieurs mois. Le poste était adjugé chaque année selon le principe de l’enchère la plus basse : un montant fixe en argent le récompensait de sa besogne et, chaque fois qu’une famille lui donnait du grain à moudre, il prélevait une mesure pour son travail et une autre pour la Bourgeoisie propriétaire des bâtisses. […] Le salaire de base du meunier ne variait guère au cours des années, mais contribuait tout de même à mettre du beurre dans les épinards : en aucun cas, l’entretien de ses biens propres, champs, bétail, vignes, ne pouvaient se passer de soins méticuleux et attentifs, parfois mal récompensés.  Une semaine avant l’ouverture du four banal, le meunier restait aux Moulins et procédait à l’entretien général des bâtisses, des chéneaux et contrôlait l’état des pales. Ainsi, pendant plus d’un mois, aidé par ses enfants, il veillait à la bonne marche de  la meunerie et des autres usines : drap, orge, noix. Le plus important travail consistait à maintenir la rugosité des meules, de façon à produire une farine de qualité au moyen d’une boucharde, de quelques burins et de pointes métalliques affûtées selon les besoins.

A Grimentz, en 1943, selon Bernard Crettaz, dans son ouvrage «Un village suisse, le temps, la mémoire, la mort et les dires de Robert Rouvinez, paysan, organiste et conteur à Grimentz », éd. Monographic, Sierre et  éd. D’En Bas, Lausanne, 1982, « l’activité du moulin sous sa forme traditionnelle a déjà pris fin, en partie tout au moins puisque la bourgeoisie veut changer l‘affectation de la construction. […] Cependant on prend une autre décision l’année suivante : […]il est décidé de réparer le moulin. […] En 1962, Grimentz vit un démarrage du tourisme moderne. Les bourgeois se préoccupent du moulin. […] On doit cependant attendre jusqu’en 1972 pour que les choses deviennent sérieuses. La société de Déveoppement écrit à la Bourgeoisie pour que celle-ci se décide enfin à réparer le vieux moulin. […] Mais, la Bourgeoisie n’a pas les moyens. La réfection va s’opérer entre 1975 et 1980.


Pour en savoir plus :

Pour élargir l’espace géographique :

Orientations bibliographiques, liste non exhaustive :

  • Antoine-Marie Seppey, Hérémence, 1860-1920, « Récits d’un meunier », in Colllection Mémoire vivante, sous la direction de Bernard Crettaz, Jean-Claude Pont et de Monographic SA, 1986.
  • Pelet, Paul-Louis, « Survivre à la révolution industrielle : l’exemple des moulins de Liddes », in Vallesia, 1989, t.44, p.239-342.Bernard Crettaz, Nomades et sédentaires, communautés et communes en procès dans le Val d’Anniviers ; éd. Grounauer, Genève, 1979 Erasme Zufferey, Le passé du Val d’Anniviers, présenté et amendé par Michel Salamin, éd. Du Manoir, Sierre, 1973.

Avec nos meilleures salutations,
La Médiathèque Valais 


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